Exemple de faute grave de l’agent commercial : le comportement déloyal
Le comportement déloyal de l’agent commercial constitue un exemple de faute grave pouvant entraîner la privation du droit à indemnité compensatrice de rupture pour l’agent commercial. Le mandant doit alors apporter la preuve du comportement déloyal, c’est-à-dire contraire à la bonne foi.
1- Obligation de loyauté de l’agent commercial
Le contrat d’agent commercial est soumis aux dispositions classiques du droit des obligations figurant au code civil, et donc notamment à l’obligation de bonne foi dans l’exécution des conventions. Cliquez-ici pour en savoir plus sur la définition de la bonne foi.
Au-delà, il existe une disposition législative spécifique aux agents commerciaux en matière de bonne foi. En effet, l’article L.134-4 du code de commerce prévoit que l’agent commercial et son mandant son tenus à un devoir de loyauté réciproque.
2- Le manquement à la loyauté contractuelle peut être constitutif d’une faute grave
Dans la mesure où la qualification de loyauté ou déloyauté revêt un aspect subjectif, tout comportement de l’agent susceptible d’être considéré comme déloyal ne constitue pas ipso facto une faute grave. Néanmoins, conformément à une jurisprudence constante, un comportement particulièrement déloyal sera très certainement qualifié de faute grave de l’agent commercial par un tribunal.
Conséquence potentielle d’un comportement déloyal : possibilité de rompre le contrat sans paiement de l’indemnité compensatrice de rupture.
Cliquez-ici pour en savoir plus sur l’indemnité de rupture de l’agent commercial.
3- Exemple de comportement déloyal de l’agent commercial privatif d’indemnité de rupture
Voici un exemple de jurisprudence dans laquelle la Cour d’appel de Paris a considéré que l’agent commercial avait commis des agissements déloyaux le privant de son droit à indemnité de rupture.
CA Paris, 5, 5, 03-12-2020, n° 18/17363
« Concernant le grief d’agissements déloyaux :
Il est reproché à Mme Ab d’avoir pris la co-gérance en février 2014 d’une société (…) exerçant une activité concurrente sur la zone géographique de son mandat, et ce sans en informer son mandant.
Il s’agit d’un magasin de loisirs créatifs et beaux-arts situé à Montauban (82) qui commercialise sous l’enseigne (…) des produits similaires à ceux commercialisés et sur le même secteur confié au mandataire. La chaine des magasins (…) appartient au groupe (…) spécialisé dans le commerce des loisirs éducatifs et Beaux-Arts, qui est un concurrent direct de la société [du mandant].
Or, l’agent commercial est tenu par une obligation de loyauté et un devoir réciproque d’information prévus par l’article L.134-4 du code du commerce.
En outre, le contrat conclu entre les parties précisait dans son article V d) que « l’EURL CABOUE s’engage pour toute la durée du contrat à ne pas agir sous quelque forme que ce soit pour des produits concurrents, et à tenir informée la société CVD des autres produits et marques qu’elles serait susceptible de représenter.Les sociétés représentées par EURL CABOUE sont à ce jour ; » s’ensuit la liste précise de trois noms de sociétés.
Le fait que la société [concurrente] soit un commerçant grossiste national alors que la société [du mandant] soit un commerce de détail local n’est pas pertinent puisqu’il s’agit de deux opérateurs économiques intervenant sur le même marché sectoriel des loisirs créatifs et Beaux-arts et sur le même secteur géographique du sud-ouest de la France.
Peu importe que [l’agent commercial] argue du fait que c’est sa cogérante et non elle-même qui était en 2014 l’animatrice du magasin (…) de Montauban, ce qui importe est le fait que [l’agent commercial] assure la cogérance d’un commerce concurrent sur la zone qui lui avait été confiée comme agent commercial.
Enfin, le moyen de défense selon lequel le contrat de mandat est conclu avec l’EURL (…) et non Mme Ab, personne physique, n’est pas pertinent en ce que le contrat mentionne expressément dans son préambule qu’il a été conclu avec l’EURL (…) spécifiquement eu égard aux qualités professionnelles et de présentation de Mlle Aa Ab qui en est le représentant légal, il s’agit donc d’un contrat intuitu personae avec cette dernière, l’EURL étant de surplus par définition constituée d’une seule personne physique.
(…) Cette dissimulation a nécessairement engendré une perte de confiance du mandant vis à vis de son mandataire.
Ainsi le fait d’avoir caché une activité parallèle concurrente constitue un manquement grave à l’obligation de loyauté (Com 8 octobre 2013, 12-24.64, et Com 7 janvier 2014, 12-29.934) et une violation du contrat en son article V d), ce qui a porté atteinte à la finalité commune du mandat d’intérêt commun et rendu impossible le maintien du lien contractuel.
La faute grave de la société (…) étant caractérisée, il est justifié la rupture du contrat d’agent commercial à effet immédiat et le fait qu’aucune indemnité compensatrice de préjudice n’est due à l’agent commercial, conformément à l’article L.134-13 du code de commerce.
La décision des premiers juges déboutant la société (…) dans sa demande en paiement d’une indemnité de rupture sera donc confirmée. »
Du côté de l’agent commercial comme du côté du mandant, n’hésitez pas à faire appel à un Avocat spécialisé en agent commercial dans le cadre d’un tel litige.