La requalification en contrat d’agent commercial d’un contrat de courtage

 

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Source image : Hegia Avocats

La question de la requalification en contrat d’agent commercial d’un contrat de courtage est souvent posée lorsque les conditions d’exécution du contrat de courtage révèlent en réalité l’existence d’un contrat d’agent commercial, ce qui entraîne l’application des dispositions du statut d’agent commercial.

Plus particulièrement, si la réalité de la relation révèle en réalité que les parties sont liées par un contrat d’agent commercial, les dispositions d’ordre public propres à ce contrat, figurant aux article L.134-1 et suivants du code de commerce doivent s’appliquer. L’agent commercial aura ainsi notamment droit à son indemnité compensatrice de fin de contrat.

 

1- Sur le principe de la possibilité de requalification en contrat d’agent commercial

Conformément au droit commun, tout contrat peut être requalifié en contrat d’agent commercial devant un tribunal, peu importe la dénomination que les parties ont donné au contrat, si la réalité de la relation implique la qualification de contrat d’agent commercial.

En effet, la volonté des parties ne peut permettre d’écarter l’application des dispositions protectrices des agents commerciaux.

2- Sur la difficulté de la requalification

L’analyse de la jurisprudence en matière d’agent commercial démontre les difficultés d’une telle requalification.

Exemple de rejet d’une demande de requalification en contrat d’agent commercial :

CA Grenoble, 25-02-2021, n° 17/03604

« 1°) sur la qualification du contrat :

Selon les termes de l’article L.134-1 du code de commerce, (…).

Les sociétés Biomet et Ortho Ouest ont signé le 15 mai 2012 un contrat dit de courtage, par lequel la première a confié à la seconde la mission de « rechercher pour elle des clients et d’en assurer le suivi ».

L’article 2 de cette convention indique expressément que la société Ortho Ouest  » ne se voit confier aucune mission de représentation de Biomet et ne peut ni négocier, ni conclure au nom de Biomet un quelconque contrat avec les clients ».

Au titre des obligations contractées par la société Ortho Ouest et détaillées dans l’article 5 du contrat, il est notamment stipulé qu’elle doit mettre en contact la société Biomet avec l’ensemble des clients susceptibles d’acquérir ses produits; qu’elle doit apporter aux clients toutes informations et conseils utiles sur les produits, leurs caractéristiques et leur prix ; qu’elle doit s’abstenir de se présenter comme mandataire ou représentant de la société Biomet ; qu’elle ne peut accepter ni commandes, ni paiements des produits de la part des clients ; qu’elle est informée que les commandes de produits sont réalisées par les clients directement auprès de la société Biomet qui en assure la livraison au client.

Nonobstant ces stipulations contractuelles, la société Ortho Ouest revendique l’existence d’un contrat d’agence commerciale et non de courtage.

S’il ressort des courriels versés aux débats que les parties ont évoqué lors de leurs négociations la signature d’un  » contrat d’agent « , c’est bien un contrat de courtage que la société Biomet a finalement eu la volonté expresse de soumettre à la société Ortho Ouest et que cette dernière a accepté de régulariser après avoir recueilli l’avis d’un conseil.

La qualification du contrat ne pouvant résulter de sa seule dénomination, il appartient à la société Ortho Ouest de rapporter la preuve que les conditions réelles d’exercice de son activité correspondait aux critères légaux caractérisant le statut d’agent commercial qu’elle revendique.

Elle n’apporte cependant aucune preuve d’avoir agi par représentation de la société Biomet soit dans la conduite de négociations commerciales directes avec des clients, soit dans la régularisation de contrats au nom et pour le compte de celle-ci.

Ainsi, elle ne produit aucun échange pré-contractuel avec des clients, aucune commande qui lui aurait été adressée.

S’il est établi par les pièces, qu’elle a été rendue destinataire des appels d’offre des centres hospitaliers publics clients de la société Biomet, il apparaît que c’est à la seule initiative de cette dernière et pour recueillir son avis sur les propositions de prix, non, comme elle le prétend, pour soumissionner elle-même par représentation de la société Biomet, ce dont elle ne rapporte pas la preuve.

L’activité ponctuelle d’inventaire à la demande de la société Biomet ne peut à elle seule caractériser l’existence d’un mandat permanent de négociation et de vente caractérisant l’activité d’agent commercial au sens de l’article L.134-1 du code de commerce, s’agissant comme la mise en place des produits et l’assistance technique, d’une mission de suivi de la clientèle telle qu’envisagée par l’article 2 du contrat de courtage.

De plus, la simple signature de l’inventaire d’un dépôt de matériel n’emporte aucun engagement contractuel à la charge de la société Biomet.

Les échanges entre les parties démontrent que la société Biomet assurait elle-même la livraison directe de ses produits aux clients, la société Ortho Ouest n’étant appelée à intervenir qu’au titre de la mise en place de ces produits chez le client.

Par ailleurs, si la société Biomet a fait régulièrement usage, dans ses correspondances et documents de comptabilité, de la dénomination d’  » agent« , sans autre précision, pour désigner la société Ortho Ouest, laquelle intervenait également en qualité de distributeur, il ne peut en être tirée la caractérisation d’une activité effective d’agent commercial.

Enfin, l’article L.134-1 du code de commerce ne fait pas de la durée un critère de distinction du contrat d’agent commercial et il est dès lors indifférent que la société Biomet ait pu considérer qu’au-delà de son terme initial, le 1er juin 2015, la convention s’est poursuivie par tacite reconduction pour une durée indéterminée dès lors qu’il s’agit de l’effet habituel de la tacite reconduction dont l’article L.134-11 du même code ne constitue qu’une consécration.

Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de requalification du contrat de courtage du 15 mai 2012. »

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